Affranchissement et Mainmorte

Etant très intéressé par les Affranchissements des Habitants de Villages du Châtillonnais, qui font partie de notre histoire, et suite aux recherches et aux belles numérisations réalisées par Alix Noga que je remercie bien,  j’ai pensé regrouper ici certaines transcriptions.

Et avant d’aller plus loin, je remercie aussi Annie Perrin qui a eu la gentillesse d’accepter de me faire ce petit résumé sur ce vaste domaine qu’elle connaît si bien.

La coutume

 

" .... suivant la  Générale Coustume de ce Pays et Duché de Bourgogne …" : la formule est bien connue de tous ceux qui lisent les Contrats de Mariage et autres actes notariés concernant leurs lointains ancêtres  …

Qu’est-ce que la « Coutume » ? 

Le Dictionnaire du Moyen Français (DMF) donne cette définition : « droit établi par l’usage,  à l’origine non écrit ».

Dans l’ouvrage : « Etudes sur les Coustumes » de H. KLIMRATH (1837), en ligne sur Internet, se trouve l’extrait suivant des ordonnances d’avril 1453 de Charles VII :

« … si les coustumes, usages et stiles du pays  de nostre dit royaume estoient  rédigez par escrit, les procez en seroient  … plus briefz, et […] les juges en jugeroyent mieux et plus certainement (car souventes fois advient que les parties prétendent coustumes contraires en un  mesme pays, et aucunes foys les coustumes muent et varient à leur appetit, dont grandz dommages et inconveniens adviennent à nos subjectz). Nous voulans abréger les procez et litiges d’entre nos subectz, et les relever de mises et dépens, et mettre certaineté es jugements tant que faire se pourra, et oster toutes matières de variations et contrariétez, ordonnons et décernons, déclarons et statuons que les coustumes, usages et stiles de tous les pays de notre royaume soyent rédigez et mis en escrit, accordez par les coustumiers, praticiens et gens de chascun estat desdiz pays de nostre royaume, lesquels coustumes, usages et stiles ainsi accordez seront mis et écrits en livres, lesquels seront apportez par devers nous, pour les faire veoir et visiter par les gens de notre grand conseil, ou de notre parlement, et par nous les décréter et confermer ; et iceux usages, coustumes et stiles ainsi décrétez et confermez, seront observez et gardez es pays dont ils seront, …. » 

La Coutume du Pays et Duché de Bourgogne

La coutume du Duché de Bourgogne est rédigée de 1457 à 1459 sur ordre de Philippe duc de Bourgogne.

L’extrait suivant est tiré de l’ouvrage: « Ancien coutumier de Bourgogne » de A. I. MARNIER (1858), en ligne sur Internet :

« Philippe par la grâce de Dieu duc de Bourgogne [….] scavoir  faisons à tous présens et a venir  Nous avons  reçue la suplication de nos très chers et bien amez les gens des trois Etats de notre Duché de Bourgogne [………] après que par lesdits trois Etats nous eussent été remontrez les grands inconvénients et involutions de proces, qui survenoient journellement entre nos sujets et notre dit Duché [……] à l’occasion de ce que les Coutumes générales et locales de notre pays n’étaient rédigées par écrit, nous eussions à la requête d’iceux ordonné que six de nos conseillers s’informeraient desdites coutumes, et le tout mettraient ou feraient mettre par écrit [……..] Lesquels six nos conseillers et commissaires ainsi par nous ordonnez […..] se soient informez bien et diligemment desdites coutumes générales et notoires de notre dit Duché de Bourgogne ; et pour ce faire ayant fait venir et assembler en notre ville de Dijon plusieurs notables, prélats et gens d’église, chevaliers, écuyers, avocats, conseillers, procureurs et autres notables praticiens [……….] lesquels ils ont examinez et interrogez sur le fait desdites coutumes générales et notoires, et par les dépositions d’iceux  [……..] et vus par eux les anciens et nouveaux registres et papiers des coutumes des dits pays, ayant trouvées icelles coutumes être, et devoir être telles que ci après sont écrites et déclarées [……] Après toutes altercations se sont résolus es dites coutumes en la forme et manière qu’elles sont ci après écrites, et icelles sont tenues pour véritables pour le bien et utilité desdits pays et ressorts, et les ont fait mettre et rédiger par écrit bien au long, selon l’information sur ce par eux faite, et par l’avis et consentement des devant nommés, en la manière qui s’ensuit ».

La Coutume de Bourgogne, ainsi rédigée en 1459 sous l’autorité du Duc de Bourgogne, est ensuite réformée par ordre du roi Charles IX (1560-1574), par les conseillers au parlement de Dijon, qui y tiennent l’assemblée des Etats pour la réformation de la Coutume. L’arrêt d’homologation est rendu le 15 décembre 1575 par le Parlement de Dijon.

M. TAISANT, dans son ouvrage :  « Coutume générale des pays et Duché de Bourgogne avec le commentaire de Monsieur TAISANT, conseiller du roi, … » (1698) – également en ligne sur Internet - commente et explique ladite Coutume de Bourgogne en 15 chapitres (Titres) sur la justice, la mainmorte, les fiefs, les successions, les censes, la rente, le mariage, … etc …, suivant rigoureusement le texte de ladite Coutume de Bourgogne.

La mainmorte et l’affranchissement

La mainmorte et l’affranchissement, qui constituent le chapitre IX de la « Coutume de Bourgogne », sont repris et commentés par Monsieur TAISANT dans son ouvrage « Coutume générale des Pays et Duché de Bourgogne » déjà cité, dans le chapitre IX : « Des mainmortes ».

Qu’est-ce que la mainmorte ?

C’est le droit du seigneur de prendre les biens de son serf à sa mort, si celui-ci  n’a pas «d’ héritiers », les héritiers étant sa femme, ses enfants, frères, sœurs, gendres, vivant sous le même toit, en « union et communion », même « feu, pain, sel » ...

La succession du mainmortable est appelée « échute ».

L’origine du terme « mainmorte » n’est pas clairement établie.

Comment est-on mainmortable ?

On peut être mainmortable :

 - en s’installant sur des terres de mainmorte : le seigneur passe une convention avec l’homme de mainmorte, auquel il donne certains fonds et héritages à condition qu’il les cultive, qu’il demeure dans le lieu, qu’il lui paye certaines redevances, et qu’il ne vendent ses biens qu’à des gens de même condition et même seigneurie, et avec son accord.

 - par la naissance : l’enfant suit la condition de son père.

 - par mariage : la femme suit la condition de son mari. Si elle était franche, elle peut, après le décès de son mari, redevenir franche en délaissant au seigneur les terres, immeubles, héritages, de son mari au lieu de mainmorte.

Comment peut-on sortir de la condition de mainmortable ?

On peut sortir de la condition de mainmortable :

 - par l’affranchissement : l’affranchissement peut être accordé individuellement par le seigneur, ou collectivement à tous les habitants d’un village, au prix fixé par ledit seigneur, les droits seigneuriaux  et obligations diverses sont maintenus, parmi lesquels la taille , qui devient « abonnée », c’est-à-dire fixe.

  - par le désaveu : le mainmortable peut désavouer son seigneur, il part en lui abandonnant tous ses biens meubles et héritages. Le désaveu se fait selon une procédure bien définie.

 - par mariage : la femme de mainmorte qui épouse un homme franc devient franche puisqu’elle prend le statut de son mari, à condition de ne pas rester dans le village de l’épouse, car au bout  d’un an et un jour, le mari deviendrait mainmortable et sa femme le redeviendrait.

   Le mariage d’une personne de mainmorte avec une personne d’une autre seigneurie, de condition franche ou servile,  s’appelait le « formariage » (de « fors », « dehors » en ancien français  et  « mariage »). Le droit de formariage était la taxe que devait payer au seigneur le serf voulant se marier en dehors de son fief, car ce mariage était préjudiciable au seigneur qui voyait s’éteindre ses droits sur la descendance, les enfants qui naîtraient échappant à son exploitation, n’étant pas ses serfs.

L’affranchissement

 

L’affranchissement est un contrat passé devant notaire, qui abolit la condition de mainmortable, mais dont le contenu varie selon le seigneur et ses sujets.  Il permet aux « manants et sujets » d’un seigneur l’en « suppliant humblement », de passer de la servitude à la condition « franche pleine et entière » … moyennant généralement une forte somme d’argent.

Les droits seigneuriaux demeurent, la taille à volonté est remplacée par la taille « abonnée », c’est-à-dire fixe.

Mais dans certains cas, les serfs ont dû renoncer  à une liberté qu’on leur faisait payer trop cher.

Quelques dates …

En mars 1543, un édit de François 1er abolissait la mainmorte dans tout son domaine de Bourgogne.

Mais en février 1544, le même François 1er révoquait son édit …

En septembre 1554, Henri II abolissait à son tour la mainmorte dans son domaine de Bourgogne, mais, comme le fait remarquer M. TAISANT dans « La coutume Générale des Pays de Bourgogne »,  chap. Des mainmortes, p 533, « ...elles n’ont pas laissé de continuer dans le Duché de Bourgogne » …

Preuve en est l’Edit du mois d’août 1779 de Louis XVI, abolissant la mainmorte de tous ses domaines.

Extrait de l’Edit de Louis XVI, cité dans l’ouvrage « Jurisprudence Générale » de M. D. DALLOZ (1857) :

« Nous abolissons dans toutes les terres de notre domaine, la mainmorte et la condition servile … Voulons que ceux qui, dans l’étendue des dites terres, sont assujettis à cette condition sous le nom d’hommes de corps, de serfs, de mainmortables, de mortaillables, de taillables ou sous telle autre dénomination que ce puisse être, en soient pleinement et irrévocablement affranchis ».

 

                                                                                                       Annie PERRIN  10.11.2012

 

 

 

 

 

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